Les systèmes politiques ne valent que ce que valent les hommes et les circonstances. On a vu de bons systèmes tourner à la catastrophe et de mauvaises constitutions rendre de grands services. De même y a-t-il des coups d’État heureux et des fidélités constitutionnelles malheureuses. Le bonheur politique d’une nation réside essentiellement dans le choix de ses dirigeants, dans ces dirigeants mêmes et dans les circonstances qui les dirigent. Par là on peut affirmer que l’enseignement de l’histoire est plus précieux que celui du droit constitutionnel. L’histoire est un bilan. Les constitutions sont des budgets. Or, dans tous les domaines, c’est à la fin que l’on compte les tonneaux et les prévisions ne sont que la marque d’un plus ou moins grand optimisme.

Les constitutions politiques ne sont pas indispensables aux peuples sages, comme les budgets sont superflus dans les ménages économes. Pour des peuples turbulents et des ménages prodigues, constitutions et budgets sont parfois nécessaires, mais jamais suffisants. Quand on se sait fantasque et capricieux, il peut être bon de se faire un programme pour la journée, mais il est mauvais d’y passer tout son temps.

C’est pourtant, hélas ! ce qu’a semblé faire le peuple français pendant plus de deux siècles. Depuis près de deux cent cinquante ans, la France s’attache passionnément à essayer tous les systèmes politiques, toutes les combinaisons, toutes les constitutions. Penchée sans cesse sur ces sortes de budgets, elle en a souvent oublié de jouer son rôle sur la scène internationale. De là proviennent ses tergiversations, ses erreurs et ses bâclages ; de là son inadaptation aux problèmes de l’époque.

On ne peut à la fois apprendre dans un livre l’art de la guerre et se battre. On ne peut fonder un empire en lisant la notice. On ne peut valablement peser dans la balance tout en faisant et refaisant ses comptes.