Il était une fois un pays où les cyclistes pouvaient impunément rouler sur les trottoirs, où les automobilistes pouvaient impunément stationner sur les passages piétons, où les prisonniers de droit commun attaquaient parfois l’État pour négligence dans le nettoyage des cellules, où les agents de police étaient souvent insultés, voire agressés sauvagement. En outre, dans ce pays, sévissait un chômage incroyable, accentué par une invasion d’étrangers qui se ruaient sur ce qu’ils prenaient pour un éden qu’il constituait d’ailleurs pour eux puisqu’ils pouvaient bénéficier de toutes sortes d’avantages réservés jusque là aux pauvres habitants d’origine. Ce pays était aussi marqué par un dépérissement inexorable de nombre d’entreprises de toutes sortes et par un essor incroyable du nombre de politiciens qui aspiraient tous à prendre le pouvoir ou du moins à pouvoir se prélasser dans ses allées. Ils passaient leur temps à discourir et à faire semblant de s’insulter. La plupart d’entre eux s’arrangeaient pour faire partie des nombreuses commissions et divers conseils de ce pays aux fonctions la plupart du temps complètement inutiles mais en tout cas largement rétribuées.
Ce pays fut donc un jour envahi. Ceux qui luttaient contre cette invasion étaient taxés de racisme et risquaient même de se retrouver en prison. Certains d’entre eux appartenaient à un parti qui était honni par les politiciens traditionnels qui craignaient sans doute de se voir un jour traiter de collabos par ces résistants. Le peuple de ce pays n’en pouvait plus. L’anarchie régnait un peu partout, pas seulement sur les trottoirs et sur les passages piétons, mais aussi dans les idées qui se rebellaient de plus en plus contre un politiquement correct de plus en plus autoritaire. Les magistrats de ce pays n’avaient plus de repos, la fonction d’avocat n’avait jamais été aussi rémunératrice, les gardiens de prison étaient étroitement surveillés par leurs prisonniers, les peuples envahisseurs faisaient la loi car, de plus en plus nombreux, ils parvenaient à obtenir ce qu’ils désiraient de ces politiciens en quête d’approbation. Il faut dire que ce pays fonctionnait sous un régime empreint d’une curieuse démocratie : les citoyens étaient engagés à choisir leurs gouvernants parmi cette cohorte de candidats aux plus hautes fonctions mais étaient par contre privés de seulement donner leur avis sur l’installation ou non d’un feu rouge dans leur quartier d’habitation.
Un jour, un général qui se rongeait les freins dans sa caserne et qui n’avait rien d’autre à faire que de relire tout ce qui avait été écrit sur Napoléon Bonaparte décida que cette situation ne pouvait plus durer. En outre, un de ses amis, général comme lui, avait été mis en examen pour avoir oublié de demeurer muet. Notre général fit le tour des officiers de son rang ; à l’exception de trois ou quatre d’entre eux, ils décidèrent d’envahir le palais présidentiel et de mettre aux arrêts le chef d’État alors régnant. Celui-ci appela la Police à son secours mais les policiers accourus s’empressèrent d’aider les généraux à ligoter ce faiseur de tyrans.
Dès lors, son coup d’État réussi, notre général entreprit de faire le ménage dans ce pays plein de poussière et de saletés de toutes sortes. Évidemment il y eut de la casse. On peut difficilement faire d’un taudis une maison propre et bien rangée sans casser parfois quelques bibelots de valeur et quelques verres. Il en est et il en sera toujours ainsi : l’histoire fourmille malheureusement d’historiettes semblables. Quand, dans un pays, on se laisse aller à faire n’importe quoi pourvu que ce soit facile, il arrive nécessairement un jour où la fainéantise et la corruption laissent la place à la dictature régénératrice. De même qu’il existe de mauvais médecins qui, par leur négligence ou leur inaptitude, vous emmènent directement à l’opération douloureuse, de même il existe malheureusement souvent des hommes politiques qui, par leur incompétence et leur lâcheté, finissent par entraîner leur pays dans une épreuve douloureuse bien que régénératrice : ce sont les faiseurs de tyrans.