Sur une plage méditerranéenne, par une belle et chaude matinée d’été, quatre hommes s’entretenaient à mi-voix en contemplant une femme magnifique qui était étendue à quelques mètres de là. C’était vraiment une très belle femme et, dans sa nudité presque complète, elle ne pouvait laisser aucun homme indifférent. En y regardant bien, ce beau corps avait certes des défauts, mais la peau et la pose levaient le désir.

Le premier de ces hommes disait : « Vous trouvez qu’elle est si belle que cela ? Regardez un peu ses jambes : elles sont loin d’être parfaites ; sans parler de son visage : elle a les traits plutôt grossiers ; et les attaches ! Aucune finesse dans les attaches. Non, vraiment, elle n’est pas tout à fait désirable ! ».

Le deuxième homme, qui avait un air plutôt doctoral, disait : « C’est certainement une femme magnifique ; mais un homme marié doit se faire violence et passer à côté. Il peut la regarder, certes, s’il est capable de dominer ses passions et de se gouverner lui-même ; mais, s’il n’en est pas ainsi, il vaut mieux qu’il détourne les yeux. L’adultère est immoral, injuste et dangereux. Il faut toujours l’éviter. ».

Le troisième homme, qui n’était pas marié, se leva soudainement et dit : « Vous me faites rire tous deux. Cette femme est splendide et dénigrer sa beauté n’est qu’une hypocrisie de faible. Quant à toi, mon cher, tu me fais pitié avec tes principes et je te plains. Ta femme est effectivement moins jolie que cette jeune personne et tes tourments vont être bien grands, ce soir, quand tu te retrouveras dans ton lit. Il faut voir les choses telles qu’elles sont et ne pas cacher hypocritement ses passions, ni derrière un mensonge, ni derrière une morale qui n’est d’ailleurs qu’une série de mensonges organisés. Quant à moi, je ne cache pas que je désire ardemment ce corps bronzé et je vais simplement contenter mon désir. ». Il partit et alla s’agenouiller auprès de la dame en question. Les autres suivaient avidement leurs gestes et leurs attitudes. Ils virent leur compagnon bredouiller, rougir jusqu’à la racine de ses rares cheveux et battre bientôt en retraite d’un air penaud. Ils s’esclaffèrent et le saluèrent par des quolibets ; et, au fond de leur cœur, ils étaient soulagés.

C’est alors que le quatrième homme, qui commençait à avoir de l’âge, ce qui se voyait à son mutisme, prit à son tour la parole : « Mes amis, cette femme est très belle et risque ainsi de vous tromper ; non pas d’elle-même et volontairement, mais à cause de sa beauté. Contenter sur son corps ses désirs et ne point l’aimer, c’est la pire catastrophe qui vous puisse arriver. Le reste est passager. Plus un objet est beau et brillant, plus il est difficile de le comprendre et de l’aimer ». « La femme n’est pas un objet d’art », dit-il à celui qui était revenu penaud. » ; « Elle n’est pas non plus un serment qui doit nous tenir injustement prisonnier. », dit-il au second. « Quant à toi, lança-t-il au premier, tu es ennemi du beau et tu as raison car tu te sens faible ; mais il te faudra apprendre à te fortifier et à regarder en face le soleil. Alors tu pourras ainsi sonder les cœurs sans mentir à tes sens. ». « Et maintenant, Messieurs, permettez-moi de vous quitter. Je dois rejoindre ma vieille compagne. Elle a été belle autrefois. Respecter une femme, c’est l’aimer. Il n’y a pas d’autre secret. ».