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Nouvelles

Des amours sincères parce qu'éphémères, amour de l'autre sexe, amour de la terre, amour d'un cadre grandiose où la sauvagerie jouxte le romantisme.

Sur cette plage algérienne au sable si fin, si chaud, Jacqueline, allongée à l’ombre de son parasol, regardait, avec attendrissement, sa fille Michèle dont les parfaits mouvements de crawl se jouaient facilement des vagues.

Toute sa capacité d’aimer était concentrée sur cet enfant de huit ans dont les ébats contrastaient avec un état d’âme qu’elle pressentait tourmenté.

Ce matin-là, le père Salvo se trouvait dans un état d’agitation tel que ses proches, rassemblés dans la petite cour de la ferme, n’osaient faire un geste, ni proférer une parole dans la crainte d’exciter son courroux.

Depuis longtemps, ce vieux Maltais, brave homme de maraîcher dur au travail, âpre au gain, témoignait de la défiance à l’égard des curieux.

La guérilla d’Algérie s’affirma dès le début de l’année 1955. Déjà, des éléments rebelles repliés dans les massifs des Aurès et de l’Edough avaient fait irruption dans les centres ruraux. Dans les villes, l’infiltration de commandos sérieusement entraînés terrorisait les populations.

La réaction ne se fit pas attendre et les dispositions prises par l’autorité militaire pour mettre sur pied des unités territoriales purent faire obstacle aux attaques par surprise d’un ennemi tapi dans l’ombre.

Sur un tertre du cimetière, une petite croix blanche est cachée par les herbes. Fixée au socle, une plaque de métal ternie par les intempéries porte une inscription laconique :
Joseph D…
s/s COLOMBIE
10-1-1923
12-11-1942

José, comme on l’appelait là-bas, était du pays des vrais marins ; natif de cette Bretagne où les hommes bien trempés sont imprégnés de sel. Il était le benjamin d’une famille de quatre garçons, tous mariés et naviguant aux quatre coins des océans. Le père avait trouvé la mort dans un accident de pêche.

En cette matinée de juillet, le soleil embrase la plage d’un bout à l’autre de son anse. La mer, glauque, trace l’horizon sur un ciel d’une pureté incomparable. À l’ouest, le contrefort du massif de l’Edough se profile jusqu’à la pointe avancée du sémaphore du « Cap de Garde ». À l’est, un des premiers contreforts de la Kroumirie s’estompe dans un bleu mauve vers le « Cap Rosa ». L’or du sable fin, le grouillement des maillots multicolores forment le gros plan de ce cadre où se retrouve toute l’intensité de la lumière africaine.