Version mobile

Poèmes

Quand le ciel est immense, quand le soleil embrase le désert, quand la mer est d'un bleu qui nargue la tempête, le poète, alors, cède à la beauté et à la mélancolie. 

Un vieux blotti sous un portail
D’une maison pas loin d’un mail
Tend au passant une sébile
Tremblant dans sa main malhabile.

O bourgeois ! tu passes sans voir
Le triste gueux au regard vide
Et pourtant, peut-être ce soir,
Tout son corps de soins est avide.

Mais le vent souffle sans savoir,
Balayant l’eau sur le trottoir ;
Quel émoi pour le pauvre diable
Sans feu ni logis avouable.

Bourgeois, écoute, arrête-toi,
Malgré la rafale et le froid ;
Donne-lui bien vite l’obole,
Que ton geste soit un symbole.

Mystérieuse nuit d’été,
Bien avant ton évanescence,
J’ai marché longtemps égaré
Par le remords et la souffrance.

Seul, sous la divine clarté
De mille étoiles vigilantes,
Je repris la sérénité,
L’espoir d’une foi renaissante.

Mystérieuse nuit d’été,
Faut-il avoir l’âme en détresse
Pour mieux comprendre ta beauté
Qui nous étreint jusqu’à l’ivresse ?

Mais tu emportes ton secret
Au sein d’une force latente,
Nous laissant toujours le regret
D’une fuite à l’aube naissante.

Sur la route encaissée entre les deux collines,
La caravane avance au pas de ses mulets.
Des pieds nus bien cerclés de vingt femmes bédouines
Monte un nuage d’or dans le ciel de juillet.

Deux enfants attachés au bât d’un petit âne
Côtoient non sans frayeur le bord du grand fossé,
Tandis que des vieillards appuyés sur leur canne
Semblent toucher du chèche leurs genoux harassés.

Au centre du cortège, assise en amazone
Sur un mulet tout blanc de rouge harnaché,
La frêle Fatima, épouse monotone,
Crispe ses doigts nerveux, saturés de henné.

Une écharpe de brume a donné le frisson
Au rire de l’Été. Déjà l’arbre se rouille
Et livre au vent léger sa fragile dépouille
Qui monte, tourbillonne et s’accroche au buisson.

Novembre, lentement, dissout la frondaison,
Et les morts, et l’humus où l’homme s’agenouille
Au dernier angélus, tandis qu’au loin se brouille
Le profil des bois nus sur le gris horizon.

Plus d’éblouissement de ces longs jours solaires
Remplacés chaque nuit par les forces stellaires,
Mais, partout, la douce pénombre autour de soi.

Bien avant que « el Shemch »(*) à l’horizon se cache,
À genoux sur la terre, axé vers l’Orient,
L’Arabe invoque Allah, le juste tout puissant,
Implorant le pardon du péché qui l’entache.

L’homme oscille le corps, son esprit se détache.
Il se prosterne au sol encor éblouissant,
Le touche de ses mains, comme le caressant.
Son geste est continu, sa ferveur sans relâche.

L’amour du pénitent envers le créateur
Extirpe de son sein le germe corrupteur.
Il va, rasséréné, tout empreint de lumière.