Bosnie ! Entre deux spots, à la télé, Bosnie,
Ils ont parlé de toi ; de toi, d’Herzégovine,
Et puis de Somalie, et d’une pauvre ethnie
Dont j’ignore le nom ; tu sais… la bédouine
Chère à Boutros Ghali. Au chaud dans ses pantoufles,
Chacun voudrait pouvoir te redonner espoir,
Venir à ton secours, occire le maroufle
Qui fit de toi, Bosnie, l’antre du désespoir.
Ici, ta peur rassure : grâce à tes charniers,
Ils pensent un peu moins à leurs propres malheurs ;
Qui existent, Bosnie, tu ne peux le nier :
Chômage, intempéries, sida, tumeurs, dealers,
Permis à points et sang contaminé, racisme.
Faut pas leur en vouloir car tu ferais comme eux.
Tu peux joindre tes mains en guise d’exorcisme ;
Pour eux, Sarajevo n’est qu’un trou nauséeux.
Sarajevo, cité maudite, martyre entretenu.
Parfois, dans le silence d’entre deux canonnades,
Se glisse un battement sourd et discontinu :
C’est le cœur de la ville que tente la chamade.
Creuse, Bosnie, creuse tes décombres fumants
Laissés par ce séisme que l’on nomme la haine.
Ici, on n’est pas loin de trouver infamantes
Ces pierres calcinées, ce décor de géhenne.
Entre deux spots, Bosnie, on t’a vu ramasser
Des morceaux de sourires, des bribes de remords,
Des lambeaux de serments et de tendres pensées.
On t’a vu rechercher la vie sous tes morts.
Entends-tu bien, Bosnie, tous ces sons discordants ?
Ce n’est pas la chamade, mais le glas du pardon
Que l’on te suggérait, ici, en Occident.
Ici, où se prépare de la paix l’abandon.