Serti dans mon destin de destrier honni
Pour avoir supporté le chevalier vaincu,
Cheval fou entravé par les nœuds que le temps
A tressés sur la corde volée à un pendu,
Je languis des hauts faits de ma prime jeunesse,
Quand mes déplacements défiaient l’univers,
Quand, dans mes courses folles,
Le sol était privé du baiser de mes fers.
Vous qui me contemplez de l’air que l’on contemple
Un rogaton trahi par la rage du temps,
Dites bien à mon âme, si vous la rencontrez,
Que je n’y suis pour rien,
Quand, au gros d’un combat, elle est désarçonnée,
Quand elle perd sa flamme,
Quand son heaume ciselé roule sous mes sabots,
Quand son panache pur est maculé de boue.
Dites-lui, à mon âme, à mon preux chevalier,
Que je me putréfie mais qu’elle est immortelle
Et que naîtra bientôt son nouveau destrier,
Plus large en son poitrail, plus fin en ses naseaux.