Je suis celui qui voit les indigos de l’âme,
Les carmins et les pourpres qui assaillent le cœur,
Les ambrés et les blonds qui trahissent la peur
Sous le front impavide où perle la sueur.
Je suis celui qui pleure des larmes smaragdines
Sur les maternités et les anges déchus,
Le découvreur des ors et des blancheurs écrues
Que masque la pudeur dans un regard obtus.
Je suis celui qui voit dans le cendreux du ciel
Les rouges d’Andrinople que néglige le vent,
Les roux et les marrons qui cernent les tourments
Et l’azur implacable qui règne sur le temps.
Je suis celui qui dit des mots incarnadins
Quand une mort horrible fauche des innocents,
Quand un champ de bataille prend la couleur du sang,
Le voyeur de rubis sous la couche d’encens.
Je suis celui qui voit dans le noir d’un linceul
L’infinité d’un champ tapissé de jonquilles
Et dans le céladon de la moindre brindille
L’outrecuidance aveugle d’une étoile qui brille.
Je suis celui qui sent le parfum des couleurs,
Les capiteux effluves des lichens mordorés,
Les senteurs enivrantes d’un gris argilacé,
Le nez des basanés et des rouges cuivrés.